A la suite des manifesations à Zurich, puis Berne, dans le but de dénoncer la contribution de la finance suisse au bilan carbone mondial, Aymeric Jung, Managing Partner de Quadia, a été l’invité du 19.30 de Fanny Zurcher. Nous avons le plaisir de vous proposer ci-dessous la vidéo du journal télévisé de ce vendredi 6 août, ainsi que, plus bas, la retranscription écrite et les compléments de cette interview apportés par Aymeric Jung.
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Une semaine d’actions à Zürich et Berne autour de la finance suisse:
Merci à la RTS et à Fanny Zürcher du journal télévisé de 19h30 (vidéo 3mn) pour m’avoir permis de partager certaines réflexions sur l’activisme politique et économique, que je complète ici.
La semaine d’actions à Zürich et Berne autour de la finance Suisse montre qu’il y a un sentiment d’urgence pour réduire notre consommation fossile, soutenu par les rapports scientifiques(GIEC Aout 2021), et que les résultats se font trop attendre.
Cela demande une analyse sur le fonds comme sur la forme. Sur le fonds il faut comprendre les demandes que recoivent les banques pour financer et investir dans le système économique actuel, certes un système économique destructeur qui atteint ses limites, mais on continue à avoir des demandes énergétiques excessives ; on continue à avoir une agriculture qui repose majoritairement sur le pétrole et la chimie plutôt que sur le sol et la biodiversité. On continue trop à vouloir satisfaire ses besoins à court terme au moindre coût sans anticiper l’avenir.
C’est notre comportement économique qu’il faut transformer pour que la finance fasse alors partie de la solution et pas du problème, et que la finance soit au service de l’économie, elle-même au service de l’humain et de la planète, avec la durabilité comme priorité.
Sur la forme, pour les activistes, le temps législatif est trop lent cependant c’est la meilleure voie pour le dialogue et c’est ce qui se met en place après une manifestation chez Ethos. Chacun peut comprendre les perspectives de l’autre et ses moyens d’actions. Ces démonstrations doivent rester non violentes pour alerter, puis après vient le temps des solutions et de l’action. Arrêter tout financement si un nouveau système n’est pas en place, ou au moins en train d’émerger, peut se révéler plus dommageable que bénéfique. N’est-il pas préférable de rendre un système imparfait ou injuste obsolète plutôt que de le détruire, ce qui pourrait apporter des années de chaos ?
Cela fait penser d’ailleurs au mouvement Occupy Wall Street en 2011, qui avait duré 3 mois, puis s’était étendu au-delà de NY dans de nombreuses villes à travers le monde, aussi à Genève, mais n’avait pas permis d’aboutir à un changement du système financier car il n’y avait pas de proposition alternative. Maintenant l’alternative existe et il est alors plus important selon moi de donner envie que de vouloir convaincre.
En effet en 2007, puis avec la crise financière de 2008, de nombreux acteurs, sous forme d’initiative privée, ont parlé d’Impact Investing, et ont fait des investissements cherchant à créer un impact positif mesurable grâce à l’investissement dans des entreprises, la plupart du temps non côtées en bourse. Marginal il y a encore quelques années avec juste quelques centaines de milliards investis, aujourd’hui on arrive aux alentours de mille milliards (GIIN), mais cela reste tout juste de l’ordre de 1% des actifs gérés par les grandes banques et gestionnaires d’actifs.
Le rôle des activistes est d’attirer l’attention sur les investissements toxiques des banques ; Le rôle de l’Impact Investing, c’est de proposer des investissements non toxiques et des solutions pérennes. L’impact investing permet alors de réconcilier les besoins économiques à court terme avec les transformations nécessaires pour le moyen terme.
Par exemple notre fonds investit dans l’alimentation durable, l’efficience énergétique et dans l’économie circulaire. C’est alors préserver les ressources naturelles, privilégier le local ainsi que la réparation et la réutilisation plutôt que le recyclage qui demande beaucoup d’énergies. Ce sont des entreprises transformatrices de leur chaîne de valeur ; Quadia les soutient pour concrètement faire de la transformation plutôt que de la transition. Nous fixons quatre objectifs d’impact qui sont intégrés dans la stratégie de l’entreprise afin de la faire progresser vers plus d’économie régénératrice, c’est-à-dire une économie capable de rendre plus qu’elle ne prend.
L’économie circulaire, c’est-à-dire utilisant des ressources déjà extraites, ne représente que 10% de l’économie mondiale, le reste repose encore majoritairement sur de l’extraction de ressources limitées ; il n’est pas pensable j’espère d’avoir envie d’aller les chercher sur Mars.
Peut-être Utopiste il y a 10 ans, nous avons déjà déployé plus de 200 millions ; c’est maintenant une réalité et le concept Economie Régénératrice a même été repris par l’Union Européenne avec son Green deal.
La rentabilité est également le cœur du succès de cette finance : investir pour construire l’avenir qu’on souhaite, sélectionner les entreprises qui répondent à ces nouveaux besoins, et qui donc sont en pleine croissance, mais une croissance la plus harmonieuse possible, à impact positif et recherchant une neutralité carbone. Elles doivent être profitables pour être durables et rentables pour attirer des investisseurs.
Aussi, c’est grâce à une convergence entre entreprises traditionnelles qui se transforment, sous la pression de la rue ou de la loi, et nouvelles entreprises qui montrent l’exemple, que cette transformation sera perçue comme une opportunité et pas comme une contrainte.
Là où on a vécu une révolution consumériste dans les années 80 puis technologique dans les années 2000, nous devons maintenant avoir une transformation écologique et sociale de notre économie, et elle passe par les entreprises, les entreprises à mission par exemple.
La réflexion complémentaire est désormais de comment répartir cette rentabilité et création de richesse pour faire adhérer tout le monde à ce modèle et le rendre cohérent, pertinent et souhaitable. Après la crise sanitaire, il faut repartir et répartir auprès de toutes les parties prenantes de l’entreprise, salariés, actionnaires et partenaires de l’entreprise. C’est d’ailleurs en partie les propositions actuelles de l’économiste Patrick Artus (La dernière chance du capitalisme-Odile Jacob).
J’aimerais que la Suisse réfléchisse à avoir la meilleure finance pour le monde et pas la meilleure finance du monde. La place de Genève est pionnière du changement dans ce domaine avec Sustainable Finance Geneva et l’évènement Building Bridges qui regroupe financiers et organisations internationales pour le développement durable. Aussi avec le festival Alternatiba et Après Geneve autour de l’Economie Sociale et Solidaire, et enfin le film Demain Genève qui montre des solutions sociales et économiques.
Aymeric Jung, Quadia.
Et ci-joint le reportage complet de la RTS: “Les pro-climat manifestent à Berne contre les investissements de la BNS”.